Louis-François-Sébastien Fauvel
Carte de la plaine de Sparte et d’Amyclée
1780
La cité grecque n’était pas l’État. L’étroitesse du territoire, la médiocrité des besoins, l’intensité de la vie sociale y réduisaient la mécanique utilitaire au minimum. Elle s’identifiait à l’élément territorial le plus fort et le plus simple : le pays, une plaine définie par le cercle des montagnes, une plaine fermée, ouverte sur les mers par une baie. D’un seul coup d’œil, de l’acropole, le citoyen pouvait embrasser le corps de sa patrie.
[…]
Sparte, accablée d’ennemis intérieurs dut s’arrêter après avoir soumis le sud du Péloponnèse ; et Athènes s’épuisa à immobiliser une proie trop grosse pour elle. L’empire de l’Égée et avec lui la cité athénienne s’écrouleront parce qu’Athènes pour créer l’empire ne sut pas mourir en tant que cité. Elle ne sut pas créer la loi qui fait de tous les sujets d’un seul maître : l’armée, l’impôt, l’administration pour tous. Et cette force humaine qui avait surgi si drue dans le cadre étroit de l’Attique se perdit dans l’espace.
Il n’y eut point d’État grec parce qu’il n’y eut que des cités. Sitôt franchies les dures crêtes qui lui traçaient son horizon, le vainqueur le plus vigoureux perdait progressivement son ardeur, tandis que, rejeté dans ses murs, le vaincu se retrouvait à l’origine de sa force. Ainsi de la victoire d’Athènes naquit celle de Sparte ; ainsi du triomphe de Sparte naquit puis déclina la puissance thébaine.
[…]
Certes, si les cités grecques s’étaient confondues dans un État, la Grèce aurait vaincu Philippe et conquis la Perse, mais les historiens modernes ont le tort d’identifier la grandeur à la puissance politique.
Là n’était pas la vocation des Grecs ; une Grèce d’administrateurs et de soldats aurait peut-être dominé le monde et transmis la civilisation hellénique, elle n’aurait pas été capable de l’essentiel : de la créer. Ce n’est pas malgré le pullulement anarchique de sa vie sociale que la civilisation grecque s’est épanouie, c’est en lui. Grèce, chargée de cités comme un arbre chargé de fruits.
Lorsque l’heure du déclin sonna, le conquérant parut. Ce n’était pas un conquérant vulgaire, il admirait la Grèce et voulait son bien ; il voulait unir ses habitants pour les convier à une vaste entreprise. Il se heurta à leur esprit d’autonomie. Alors, avec l’énergie paternelle d’un maître, il leur imposa quand même la loi. Il mit fin aux querelles entre cités, donnant à la liberté de justes bornes. Contre l’ennemi commun, il fit l’union ; jusqu’aux abords de l’Inde, il porta le nom grec. Pour toujours, la Grèce était morte.
Lieu: Laconie, Greece
Collection: BnF
Échelle: 1:39’000
Texte: Bernard Charbonneau, L’État, 1949
Publié: Juillet 2025
Catégorie: Cartographie