Illustration

Paul-Louis Oudart

Boletus edulis

1847

Mais si l’on parle de la pollution des aliments par la chimie, on ne dénonce pas assez publiquement l’autre effet de l’industrie agricole : leur manque de saveur. Depuis toujours les hommes jugeaient de leurs aliments d’après leur goût, mais il n’en est plus de même depuis que les terroristes du gramme et de la calorie prétendent leur apprendre à manger. L’idée que les nourritures puissent avoir d’autres vertus que nourrissantes — un goût par exemple — ne les effleure même pas. Comment ? La cerise ou le gigot ne se réduiraient pas à leurs facteurs mesurables : au poids, au calibre ou aux éléments chimiques ? On invoquerait le plaisir qu’il y a à déguster des cèpes ? Holà ! Misérables vicieux et ignorants qui prétendez juger en fonction de vos papilles, place aux scientifiques : économistes, agronomes ou diététiciens qui planifieront votre table pour votre bien ! Les belles fraises conçues par l’INRA sont sans goût ? On les parfumera à la fraise.

Boletus edulis
Boletus edulis, le Cèpe de Bordeaux

Texte: Bernard Charbonneau, Notre table rase, 1974


Publié: Octobre 2025
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