Photographie

Heinrich Riebesehl

Un jeu à somme nulle

1998–2000

Avec l’essor de l’État-nation, un monde entièrement nouveau émerge, qui inaugure un nouveau genre de paix et un nouveau genre de violence. Sa paix comme sa violence sont pareillement distantes de toutes les formes précédentes de paix et de violence. Alors que la paix avait signifié la protection de cette subsistance minimale permettant de nourrir les guerres entre seigneurs, désormais la subsistance était victime d’une agression, prétendument pacifique. Elle devenait la proie de marchés de biens et de services — des marchés qui s’élargissaient. Cette nouvelle sorte de paix entraîna la poursuite d’une utopie. La paix populaire avait protégé de l’annihilation des communautés authentiques même si elles étaient précaires. Mais la nouvelle paix, elle, est érigée sur une notion abstraite. Elle est taillée aux mesures d’Homo œconomicus, l’homme universel, destiné naturellement à vivre de la consommation de biens qui sont produits ailleurs par d’autres. Alors que la pax populi avait protégé l’autonomie vernaculaire, l’environnement dans lequel elle pouvait prospérer et la variété des modalités de sa reproduction, la nouvelle pax œconomica protège la production. Elle signe l’agression contre la culture populaire, les communaux et les femmes.

En premier lieu, la pax œconomica masque le postulat selon lequel les gens sont devenus incapables de satisfaire par eux-mêmes leurs besoins. Elle confère à une nouvelle élite le pouvoir de rendre la survie de tous les êtres tributaire de leur accès à l’éducation, aux soins de santé, à la protection policière, aux appartements et aux supermarchés. De maintes façons inédites, elle exalte le producteur et dégrade le consommateur. La pax œconomica qualifie ceux qui subsistent par eux-mêmes d’« improductifs », ceux qui sont autonomes d’« asociaux », ceux qui ont un mode de vie traditionnel de « sous-développés ». Elle dicte la violence contre toutes les coutumes locales, lesquelles ne s’insèrent pas dans un jeu à somme nulle.

Un jeu à somme nulle
Sorsum (Landkreis Hildesheim), März 2000
Un jeu à somme nulle
Lutter (Landkreis Neustadt), Juni 2000
Un jeu à somme nulle
Landkreis Hildesheim, zwischen 1998 und 2001
Un jeu à somme nulle
Kirchwehren (Landkreis Hannover), März 1999
Un jeu à somme nulle
Haimar (Landkreis Hildesheim), September 1999
Un jeu à somme nulle
Kirchwehren (Landkreis Hannover), Februar 2000
Un jeu à somme nulle
Engelbostel (Landkreis Hannover), April 1999
Un jeu à somme nulle
Esperke (Landkreis Neustadt), März 2000
52°04'48.0"N 9°55'12.0"E

Lieu: Basse-Saxe, Germany

Texte: Ivan Illich, Pour un découplage de la paix et du développement, 1980


Publié: Octobre 2025
Catégorie: Photographie